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Amis de la Basilique de Neuvy-Saint-Sépulchre (36230)
 
 

La Basilique de Neuvy Saint Sépulchre

Ancienne collégiale Saint Jacques (XIe  et XIIe siècles)

Une rotonde imitée de Jérusalem.

Neuvy (le nouveau bourg) fut implanté à la fin de l’époque gallo-romaine, en raison d’un gué, sur la voie menant de l’actuel Châteaumeillant à Argentomagus. Au Haut Moyen Age, une paroisse fut constituée et vouée à saint Pierre.  Le bourg devint bientôt si conséquent qu’une seconde paroisse naquit sous le patronage de saint Étienne.

Au XIe siècle, fut décidée la construction d’une nouvelle église, imitée du Saint Sépulcre de Jérusalem, à l’initiative d’Eudes de Déols, dit l’Ancien, ancien pèlerin. Cette église fut placée par la suite (au XVIe siècle) sous le vocable de Saint-Jacques-le-Majeur. Neuvy eut très vite une place privilégiée parmi les principales étapes du “ chemin de Saint Jacques ” vers Compostelle, sur la route de Vézelay. Un chapitre fut fondé en 1228, l’église prenant le titre de “ collégiale ”, c’est à dire desservie par des chanoines. Le 15 juillet 1257, le cardinal Eudes de Châteauroux envoyait d’Italie aux chanoines de Neuvy quelques gouttes du “ Précieux Sang ” et un fragment du tombeau du Christ.

L’édifice et ses dépendances étaient groupés dans l’enceinte d’un “ château fortifié par des murs et protégé par un large fossé ”. Cet enclos servit, à plusieurs reprises, de refuge à la population.  Vers 1360, au moment où les Anglais s’étaient emparés de la ville de Sainte-Sévère, au sud-est de La Châtre, les voûtes de l’église surchargées de meubles et de denrées abritées dans les combles par des réfugiés s’effondrèrent en grande partie en même temps que le grand pignon. En 1524, ce sont des aventuriers, les “6000 diables”, qui assiégèrent la population repliée dans l’enceinte, massacrèrent “ quatre gens d’Eglise ”, brisèrent les orgues et brûlèrent les archives du chapitre. En 1621, se déroula le “ Grand Miracle ”. Menacés par les débordements de la rivière voisine (la Bouzanne), les habitants supplièrent les chanoines de sortir les reliques. La chronique rapporte qu’en leur présence, les eaux reculèrent… Une confrérie fut constituée la même année, en action de grâce.

Devenue église paroissiale et classée “monument historique” en 1847, elle fut alors l’objet d’une importante campagne de restauration dirigée par Eugène Viollet-le-Duc et son collaborateur de Mérindol.

En 1923, pour remplacer l’ancien clocher supprimé en 1899, l’architecte Mayeux édifia, entre la basilique et la rotonde, un clocher peigne à trois arcades. A la même époque, on remplaça la coupole à l’allure orientale, imaginée un siècle plus tôt par Viollet-le-Duc, pour la remplacer par l’actuelle toiture en chapeau chinois. En raison des pèlerinages séculaires organisés en ce lieu, le Saint-Siège éleva l’ancienne collégiale au rang de « basilique » en 1910. La restauration menée entre 1993 et 1998 a permis de rendre à l’édifice sa majesté primitive.

Architecture et sculpture.

La Basilique de Neuvy comprend deux parties dont on peut croire que le raccordement n’était pas dans les projets initiaux.

La « basilique » est composée d’une nef avec bas-côtés surmontés de tribunes (disparues du côté nord). On peut retrouver les différents styles du Moyen Âge : sur les bas-côtés, voûtes en plein cintre et voûtes d’arêtes ; dans la nef, pilastres qui soutenaient les arcs de la voûte primitive (en bois ?) et piliers recevant les ogives de la voûte gothique montée à la fin du XIIe et au début du XIIIe siècles (et partiellement reconstruite au XVe). Le chœur à chevet plat, datant de la reconstruction gothique, présente des vestiges (dont une curieuse fresque avec un unijambiste qui remet sa jambe de bois, au dessus d’un visage de saint et sous deux animaux fabuleux) qui pourraient faire croire qu’il était initialement composé d’une abside centrale entourée de deux absidioles.

Mais c’est bien évidemment la rotonde qui retient l’attention. Elle relevait de la tradition des « avant-nefs » destinée à accueillir les pèlerins.  Jusqu’en 1806, il y avait au centre une construction massive qui figurait le Saint-Sépulcre, fermée par une porte en fer et recouvrant un autel sur lequel était placé le fameux reliquaire.

Comme dans les modèles carolingiens (sous le règne de Charlemagne), la dualité de l’édifice articulait les célébrations entre un pôle occidental (lieu des ténèbres), propre à des liturgies pénitentielles, et un pôle oriental (lieu de la Lumière) où était célébrée l’eucharistie. Les fidèles comprenaient mieux, dès lors, par leurs mouvements processionnels l’appel adressé au chrétien de se diriger vers le Christ, qui a vaincu la mort, comme le soleil triomphe chaque matin de la nuit. 

Au centre de la rotonde, onze colonnes (11 comme le nombre d’apôtres restés fidèles au Christ au moment de sa mort), reliées les unes aux autres par des arcs en plein cintre, soutiennent un premier étage, pourvu d’un déambulatoire que limite une seconde rangée circulaire de quatorze colonnes (2 fois 7 ou les 12 apôtres + la Vierge Marie + le Christ). Remarquons qu’au rez-de-chaussée, l’équilibre de l’ensemble a amené les constructeurs à concevoir une voûte très ingénieuse, qui débute à l’intérieur en plein cintre pour finir à l’extérieur en arêtes. Le cylindre creux formé par ces deux colonnades superposées se continue vers le haut par un troisième déambulatoire (une terrasse aujourd’hui recouverte par la toiture) puis une lanterne à huit fenêtres (8, chiffre symbole de la Résurrection), couronnée d’un dôme.

La sculpture de Neuvy appartient à deux écoles. La première est composée des réemplois que l’on peut remarquer au dessus ou aux pieds de certaines colonnes engagées du pourtour. Certains de ces chapiteaux ont été retravaillés au XIXe siècle (comme l’indique Viollet-le-Duc dans sa correspondance). On remarquera parmi ceux-là quelques beaux spécimens : œuvres frustres de faible relief, centaure tirant à l’arc, bases sculptées relevant de traditions préromanes.  La seconde comprend les onze chapiteaux du rez-de-chaussée datant du début du XIIe siècle. Elle se rattache directement à la grande tradition de Saint-Benoît-sur-Loire. On y relève plusieurs types : corinthiens, animaux fabuleux et visages humains. On remarquera parmi les motifs décoratifs plusieurs « collerettes berrichonnes », où la double rangée d’astragale (bande qui marque le bas du chapiteau est recouverte de feuilles d’acanthes rabattues la pointe en bas).

S’il n’existe pas de programme « historié » (c’est à dire illustrant un épisode de la Bible ou de la vie d’un saint), il convient de lire dans ces images l’affrontement habituel entre le Bien et le Mal, les Vertus et les Vices, l’Homme et l’Animal. Ainsi les nombreux chats symbolisent l’hérésie, le mensonge s’en prenant par les liens du discours aux sages (les hommes barbus) ou les puissants de la terre (atlantes accroupis). Certains animaux dénoncent la luxure tandis que d’autres, la langue pendante ou la bouche ouverte évoquent la gourmandise. Les monstres se nourrissant de fleurs de lys renversées (impureté) s’opposent aux visages impassibles de femmes figurant la sagesse.  L’emplacement de ces figures terrifiantes sur les chapiteaux rappelle que les portes du Ciel sont bien gardées et qu’il est redoutable de les franchir.

Malgré une tradition locale, la sépulture que l’on trouve dans une absidiole n’est ni celle de Eudes de Déols ni celle de Eudes de Châteauroux, mais plutôt celle d’un obscur chanoine ou prieur. L’autre gisant en plâtre provient de l’ancien autel du XIXe siècle. En 2010, a été installée à droite sur une colonne de la nef, près du chœur, une intéressante statue polychrome (fin XVe ou début XVIe siècles), restaurée par Brigitte Estève. Il s'agit d'une oeuvre anonyme représentant un personnage tenant la couronne d'épines. Il pourrait s'agir d'un élément d'un ensemble monumental lié à la Passion (pourquoi pas une mise au tombeau ?).

Les « pentures extérieures » du portail d’entrée de la rotonde sont également à signaler. Ces bandes en fer forgé soutiennent le bois. Elles présentent un élégant tracé dont les entrelacs se terminent en forme de masques animaux. C’est un rare témoignage de la ferronnerie du XIIe siècle (le heurtoir fut réalisé par le ferronnier d’art parisien Pierre-François Boulanger (1813-1891).

L’orgue

 Dans la rotonde il existe un orgue positif. Composé de 6 jeux, 1 pédalier et 2 claviers, c’est un prototype d’instrument transportable élaboré par Henri Bouffard, de Chamalières et réalisé en 1987 dans les ateliers de menuiserie de Jean-Claude Fournet-Fayard.

 Le Précieux-Sang

 Le choix du site était important. Le cardinal Eudes, dans sa lettre de 1257, justifiait son geste en déclarant qu’il résultait de “ la dévotion des fidèles qui, pour avoir tous les jours sous les yeux la passion et la mort de Notre Seigneur, ont fondé votre église en l’honneur du Saint Sépulcre ”. Désormais, la “ ressemblance serait substituée à la chose elle-même ”.  Cette démarche de la part de ce cardinal, légat du pape et conseiller de Saint Louis (il procéda à la dédicace de la Sainte-Chapelle de Paris bâtie pour abriter la couronne d’épines du Christ), n’était pas fortuite. Toute sa vie, ce théologien chercha à mettre en avant l’humanité du Christ Rédempteur. Pendant la Révolution, en février 1794, la précieuse relique faillit disparaître. Elle fut épargnée grâce au stratagème du sacristain Jean Blondeau qui remplaça, dans le reliquaire, les gouttes de sang par des morceaux de poire cuite. Quand les temps furent plus calmes, les gouttes du Précieux-Sang furent restituées au clergé. Elles sont présentées aujourd’hui dans un reliquaire sorti des ateliers Poussielgue-Rusand et présenté à l’exposition universelle de Bruxelles. Il fut donné en 1909 à la paroisse par une famille belge.

Depuis cette époque, le pèlerinage a toujours été célébré à Neuvy Saint Sépulchre. Il se déroule aujourd’hui chaque Lundi de Pâques en deux temps. Dès 10h 30, un grand cortège sillonne les rues du bourg, dans une démarche pénitentielle, depuis la Basilique jusqu’au champ de foire, pour entendre le prédicateur invité. Suit alors la procession des offrandes qui reconduit les fidèles dans la basilique pour la célébration eucharistique. Ce mouvement, qui inscrit la liturgie dans l’espace, retrouve d’antiques usages médiévaux. L’assemblée, par ses déplacements, signifiait alors qu’elle marchait, à la suite du Christ, de l’ombre de la mort et du péché, vers la Lumière de la Résurrection. Chaque lendemain du jour de Pâques, la communauté paroissiale vous attend pour vivre avec elle ce temps de méditation et de fête qui achève, dans la joie, la Semaine Sainte.

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Texte extrait du « Guide des Églises de la Vallée Noire », Gérard Guillaume, photographies d’Yvan Bernaer, Éditons La Bouinotte. 2011